Présentation


Kamil Guenatri / L'infini équilibre / Performance au Collège Jean Monet / Castres

« Je ne partirai de rien. Je laisserai tout se construire au gré de l’imaginaire des élèves, de mon attention à ce qu’ils me suggèrent. Les capteurs grands ouverts sur la convergence des circonstances… ». C’est dans cet état d’esprit que j’ai abordé cette résidence en milieu scolaire. Cette expérience étant inédite pour moi, il m’a semblé naturel de privilégier et de transmettre aux élèves une approche de création/réflexion basée sur l’expérimentation du « faire ». Ce choix je l’ai fait pour laisser le spectre des possibilités le plus ouvert possible –sans trop influencer- mais surtout parce que mon intention première (au-delà de l’atelier création) était d’éveiller la conscience en chacun à sa  propre capacité d’émettre une pensée, une forme, une théorie  voir  même une méthode… Somme toute subjective. Cette démarche me semble inévitable dans toute initiation à l’art contemporain et à la performance en particulier.
C’est ainsi que j’ai abordé les ateliers dans les différents collèges. Les élèves volontaires étant libérés en partie de leurs enseignements quotidiens cela me permettait d’avoir une approche évolutive avec eux. La première séance commençait généralement par asseoir quelques aspects théoriques sur la pratique de la performance et de la démarche de création artistique. Sur la base de quelques éléments historiques sur l’art-performance, de leur culture acquise (vidéo/internet) et des actions live qu’ils ont déjà eux l’opportunité de voir, nous avons ainsi échangé sur les fondamentaux : la prise de conscience de l’esprit/corps et de son implication dans l’œuvre,  l’étroite frontière se situant entre l’art et la vie (le quotidien), le rapport à l’espace, l’écoulement du temps dans une action, le rôle du public dans une performance, les différences avec le théâtre et les autres formes d’art vivant, le pouvoir polysémique de toute œuvre, le discours symbolique, l’appropriation instinctuelle et la subjection,  l’impossible et la folie en lien avec les normes culturelles, relativiser le beau/le laid, le vrai/le faux, l’artistique/le non-artistique, le sensé/l’esthétique …
Puis rapidement, je donnais la parole à chaque élève pour qu’à travers la propre expression de chacun (singularité, habitude, parcours, savoir-faire particulier, préoccupation, émotion, expérience vécue, fantaisie…etc.) en jaillisse des éléments potentiels de performances. A partir de ce moment-là, la consigne majeure fut de rapidement matérialiser les idées dans des propositions d’actions réalisables et de les expérimenter. Le fait de vite les mettre à l’œuvre permettait qu’ils se rendent compte et qu’ils exploitent une pensée/expression en mouvement, principalement basée sur l’interaction : corps en action – objets. Il y avait là aussi un grand enjeu par rapport à mes objectifs de transmission de l’art performance, celui de réanimer l’intelligence et la mémoire que l’on ne porte pas seulement au sein du cerveau mais dans tout le reste du corps.  Que les élèves prennent conscience et exploitent cette potentialité de leurs corps. Les initiant de la sorte à une réelle réflexion philosophique sur la notion de « faire », ceci en mettant à l’honneur « la pratique » et la rendre génératrice de « théorie ».
Privilégier l’action permettait aussi de pouvoir rapidement les aiguiller, leurs apporter une aide technique et aussi épurer leur imaginaire foisonnant pour n’en garder que les éléments les plus parlants par rapport à leurs  intentions. Cela permettait aussi de les confronter à la réalité du travail de tout artiste performer et aux difficultés que cela comporte tel que la concentration et l’application pendant l’action, la détermination et le sérieux, la prise en compte de l’imprévu, d’appréhender tout type de publics…etc. En testant et en échangeant avec leurs camarades les élèves avaient rapidement un retour et un premier recul sur leurs actions. Le reste des séances se prolongeaient dans cet esprit d’expérimentation. Dans la démarche de refaire se tissait une histoire, une évolution, une succession d’intuitions et de circonstances, instaurant de ce fait un réel processus de création.
En fin de phase de création il à souvent été question de montrer à un plus large public du collège (les autres élèves, professeurs et personnel) une première ébauche des travaux menés en atelier. Ponctuées par mes propositions d’action conçues en résidence, souvent en résonnance à mes échanges avec les élèves et dans l’attention aux circonstances des moments et des lieux. L’objectif étant de se mettre en situation réelle et de sensibiliser un plus grand nombre à l’art de la performance.
La phase de restitution formalisera cette échange avec le public et permettra de finaliser et valoriser les propositions lors d’un vernissage commun prévu au collège de Vielmur sur Agout. L’occasion pour tous de célébrer cette expérience humaine unique dans le parcours de chacun. Et l’espoir pour moi, que pour la plus grande partie des élèves la « fin » de cette aventure constitue le « début » d’une nouvelle façon d’aborder l’art et la vie.   

Kamil Guenatri